Pins and Needles est une série photographique réalisée à la chambre grand format mêlant portraits, paysages et mises en scène. Ce travail évoque une émergence des sens – toute une génération qui s’éveille après le long hiver pandémique, et qui réapprend doucement à ressentir. J’ai cherché à transmettre des sensations physiques à travers la photographie ; en particulier cette impression de picotements, d’avoir des fourmis dans les jambes, comme lorsque l’on se réveille d’un engourdissement. Pour moi, ce travail est une éclosion, une floraison. Il s’agit d’étirer ses membres, de secouer la langueur. Il s’agit de sortir enfin, d’ouvrir la porte, d’être aveuglé·e par le soleil.
Bien que cette série ait vu le jour à la fin de la crise sanitaire, ce n’est pas un projet à propos ce moment qui nous a tous impactés. C’est plutôt une réflexion sur l’expérience universelle de retrouver ses sensations, de se reconnecter à son corps. C’est une exploration de la relation – et parfois de la déconnexion – que nous entretenons avec notre environnement.
Nous sortons de nos cocons, étirons nos membres, secouons l’engourdissement. Nous sommes des êtres sensoriels, nous parlons la langueur et l’alerte. Nous avons la chair de poule, sentons l’animal au détour du chemin, le feu sur la montagne.
Pins and Needles parle d’un désir de connexion – une tentative de traduire des expériences multisensorielles en langage visuel, de prêter attention aux éléments présents, aux phénomènes passant, et de les mettre en scène, de les recréer en photographie. Nous vivons dans un monde hyper-connecté, et pourtant, il me semble que nous cherchons toujours d’autres formes de connexion, plus profondes, plus authentiques –avec l’autre, avec notre environnement. Nous cherchons un ancrage, une forme d’osmose. Les personnes photographiées dans la série semblent suspendues dans le temps, en décalage avec leur environnement, ne sachant pas comment agir, être, interagir. Cette série représente pour moi cet état de vulnérabilité et de réceptivité dans lequel nous nous trouvons – les sens en alerte.
La recréation de moments qui semblent banals, l’exagération de certains gestes, le travail de la lumière sont autant de procédés que j’utilise ici pour évoquer une certaine étrangeté. La juxtaposition de personnes, de lieux et d’objets que l’on n’associerait pas spontanément devient matière à interrogation, et nourrit la notion de pas tout à fait qui traverse la série. À travers une mise en scène photographique, une lumière cinématographique et des personnages indiscernables, je navigue le flou et construis une narration guidée par la suggestion. On se demande ce qui s’est passé juste avant l’image, ou ce qui va arriver juste après.
Ce projet parle de toucher et d’être touché·e, de tendre une main en face de soi, et de voir ce qui répond.
Les images ont été prises à Sausalito (Californie), à Vancouver (Colombie-Britannique) et un peu partout en France. Presque toutes les personnes photographiées sont des artistes.



